6.9.06

Danger au Mexique

Edito du Monde

Danger au Mexique

LE MONDE | 06.09.06 | 14h50

Le Mexique a désormais un président, légitimé par sa plus haute instance électorale. Mais la crise politique qu’il traverse depuis plus de deux mois est loin d’être close. Nul ne peut prédire aujourd’hui avec certitude quand, ni comment, elle va se résorber. Et surtout si cela pourra se faire sans violence.

C’est une situation paradoxale dans un pays stable, aux institutions solides et aux résultats économiques en hausse, même s’il souffre encore d’un grave déficit de réformes. Censée consolider le processus de démocratisation amorcé il y a vingt ans, l’élection du 2 juillet a réveillé des blessures mal cicatrisées, semé le soupçon, élargi le fossé entre les classes sociales.

Il a suffi d’un résultat encore plus serré que ce que prévoyaient les sondages, et d’un mot - "fraude" - lancé par le perdant, le candidat de la gauche Andres Manuel Lopez Obrador, pour faire de ce scrutin le nouveau symbole de l’injustice sociale, du maintien en tutelle des plus pauvres par des riches accrochés bec et ongles à leurs privilèges. Le précédent de 1988, quand l’élection du candidat du Parti révolutionnaire institutionnel, Carlos Salinas de Gortari, fut émaillée d’incidents suspects, était encore trop vif dans les mémoires.

Depuis cette époque, le système électoral mexicain a été doté d’une série de "verrous" rendant impossible toute fraude massive. Mais la méfiance demeure. Elle était d’autant plus grande que ses adversaires avaient essayé par tous les moyens, en 2004 et 2005, de rendre inéligible M. Lopez Obrador, alors maire de Mexico, au risque d’accroître son image de victime et sa popularité. Le nouveau décompte des bulletins "bureau de vote par bureau de vote" réclamé par la gauche depuis le 2 juillet ne se justifiait pas, dès lors que la commission électorale et les observateurs internationaux avaient validé le scrutin. La droite s’y est catégoriquement refusée, en affirmant qu’"AMLO" - surnom donné par les médias au candidat de la gauche - trouverait toujours de nouveaux arguments pour contester un résultat qui ne lui serait pas favorable.

Fuyant le débat avec le candidat de la gauche, la droite l’a laissé le porter dans la rue dans l’espoir qu’il perdrait peu à peu, par ses initiatives extrémistes, le crédit dont il jouissait dans une partie non négligeable des couches moyennes. Le résultat n’est pas sans danger.

M. Lopez Obrador semble pencher vers une gauche plus populiste que social-démocrate, tentée par les ambiguïtés du Bolivien Evo Morales et de son mentor, le Vénézuélien Hugo Chavez, plutôt que le réformisme responsable du Brésilien Lula da Silva ou de la Chilienne Michelle Bachelet. On peut dès lors se demander jusqu’où ira le "sous-commandant AMLO" dans sa volonté de susciter, par des moyens pacifiques, une nouvelle révolution au Mexique.

Article paru dans l’édition du 07.09.06

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